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Torture et menaces

Bienvenu Némi dans le collimateur d’un haut gradé de l’armée

Le fils de Némi travaillait chez un colonel de la place, puis comme un destin au rendez-vous, il a découvert dans sa résidence les pistes d’un meurtre qui s’est passé dans un chantier de son patron. C’était le début de son calvaire.

En 2010, alors que tout allait bien autour de lui, même si au Cameroun tout ne va pas toujours au mieux dans le meilleur des mondes possibles, la vie de Bienvenu Némi a basculé d’un trait. Comme ce qui se passe généralement à la suite d’un séisme d’une forte amplitude. Le jeune homme qui n’avait jamais eu l’idée de quitter son pays pour une quelconque aventure va expérimenter les réalités du monde pervers et corrompu que nous habitons.

A l’époque, il est l’employé d’un colonel de l’armée camerounaise dont nous taisons volontairement le nom pour des raisons de sécurité. Tout allait bien entre l’employeur et l’employé, mais les données vont changer le jour où Bienvenu découvre ce que le colonel et ses sbires voilaient depuis longtemps. Il y a eu peu avant un meurtre dans l’un des chantiers du haut gradé de l’armée. L’affaire fera beaucoup de bruits au berceau de nos ancêtres, mais personne n’imagine que la vérité se trouve à côté de Némi.

Koum le dernier confident de Némi

Un matin, alors que son patron s’était déjà rendu au boulot, Bienvenu découvre dans la maison les preuves de l’assassinat d’un ouvrier. Il ne peut pas cacher la vérité, sachant ce qui se dit à travers les commentaires et les journaux. Mais il se retient pendant longtemps. Ne pouvant pas supporter de garder le secret indéfiniment, il finit par se confier au journaliste Jules Koum. Ce dernier sera lui-même assassiné durant ses enquêtes folles et impossibles dans des circonstances douteuses et troublantes. On accuse des pontes du régime d’avoir commandité le meurtre de Koum sans autre forme de procès. Toujours est-il qu’ayant été l’un des derniers confidents de Koum avant son assassinat, Bienvenu ne peut être qu’un « Wanted » et persona non grata dans son pays.

Avant le décès du confrère, Némi Bienvenu subit une certaine pression, tant il est vrai que l’entourage de son patron avait su qu’il détenait des preuves accablantes du forfait. Jusque-là il parvient à gérer les menaces qu’il subit. Mais après la disparition du journaliste, la pression s’est intensifiée. Il  reçoit régulièrement des menaces de mort et fait face à des interrogatoires à toute heure. Ne pouvant plus tenir le coup, il s’enfuit pour le Gabon voisin en février 2012. Il y séjournera pendant 2 ans avant de revenir au bercail, à l’occasion du décès de sa maman Anastasie M.

Comment Bienvenu a driblé les hommes du colonel

Après l’inhumation de sa mère, le jeune homme déboussolé décide d’aller s’installer dans une petite ville de la région du Centre, la ville de Bafia en l’occurrence, où il engage une affaire avec un ami d’enfance. Mais malheureusement pour lui, les hommes du colonel retrouveront très rapidement ses traces et se mettent à ses trousses. Ils l’enlèvent un soir pour une destination inconnue. Nous avons rencontré l’un de ses frères, qui nous a permis d’en savoir davantage sur cette étrange histoire de chasse à l’homme.

Seulement, la chose nouvelle est que pendant que les hommes en tenue, ses bourreaux, l’emmenaient pour certainement lui ôter la vie comme ils l’ont fait des autres, par la grâce de Dieu et apparemment avec la complicité d’un des commandos suicide qui aurait joué au Judas ou au Ponce Pilate, Bienvenu réussit à fondre nuitamment dans la nature. En investiguant un peu plus pour comprendre comment il a pu s’échapper du filet de ceux qui l’ont pris en otage, une source nous dira qu’il s’était jeté dans les eaux d’un fleuve profond proche de la route. C’est grâce à des pêcheurs de nuit qu’il aura la vie sauve. Les commandos s’en iront ayant la conviction que le fugitif s’est noyé dans ces eaux noirâtres.

Bienvenu restera cloitré chez ces pêcheurs qui l’ont sauvé avant d’avoir la possibilité de quitter le pays pour se mettre à l’abri du danger qui le guettait chaque jour. Personne de tous ceux que nous avons approché dans sa famille pour des éclairages, ne nous a parlés des circonstances de son départ. Mais ce que nous savons c’est que depuis 2014, pour sa sécurité personnelle, Némi Bienvenu est simplement porté disparu. Et selon les dispositions de l’article 88 du code civil, on fait état d’une disparition, lorsqu’une personne a disparu dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, et que son corps n’a pu être retrouvé. On ignore ce qui est arrivé au fils de Némi depuis 2014 en tout cas.

Au demeurant, le cas de Bienvenu est ce que vivent de nombreux jeunes camerounais tous les jours. Les riches et les hauts gradés sont les plus puissants dans notre société, c’est le règne des plus forts qui marchent sur les faibles. C’est d’ailleurs ce qui explique la propension très élevée des jeunes camerounais à quitter chaque jour en masse le pays. D’où l’expression courante : « je souffre dans mon propre pays ». Les jeunes fuient la pression et l’oppression des tout-puissants de la nation, le chômage rampant, la vie chère, sans oublier la triste réalité d’un Etat de droit, où justement les droits de l’homme  sont piétinés, bafoués et saqués à longueur de journées par ceux qui sont censés montrer le bon exemple.

Jean Charles Jérémie

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Date de dernière mise à jour : 30/01/2019